EnVille N°154 | Septembre – Octobre 2017

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édito

À vendre ?

La stratégie est limpide. D’abord, on étrangle les communes : 13,7 milliards d’euros de baisse de la dotation globale de fonctionnement/ DGF au niveau national, 2,5 millions d’euros d’ici 2022 en moins à Frontignan la Peyrade (après une baisse de 1,7 million d’euros de 2014 à 2017 !). Ensuite, on leur supprime les moyens humains : le gel des contrats aidés concerne ici 88 agents que la collectivité ne pourra pas garder dans ce cadre d’emploi, dont 32 dès cette année.

Résultat attendu par le gouvernement : moins de services publics assurés par ceux qui savent le mieux le rendre, les fonctionnaires ! Moins d’investissement local au moment où il en faudrait plus pour relancer l’économie ! Plus de chances pour les futurs candidats progouvernementaux, qui ne dirigent pour l’heure que très peu de collectivités locales, de bénéficier de ce délabrement institutionnel aux élections municipales de 2020 ?

La question mérite d’être posée. La méthode comme l’attitude sont parlantes : précipitation sans concertation et flou artistique dans lesquels ces réformes sont mises en scène, autosatisfaction revendiquée, autoritarisme débridé et propension assumée à donner des leçons en faisant passer les élus locaux pour les tenants de la gabegie et en sermonnant les citoyens sur leur incapacité à accepter les réformes.

Mettre le principe de réforme au centre d’une réflexion positive

Mais soustraire des aides et asphyxier les collectivités, ce n’est pas réformer, c’est s’attaquer à une majorité de citoyens. Et « provoquer un souffle fiscal », ce n’est pas réformer, c’est en fait favoriser la minorité la plus riche. Il ne s’agit pas pour nous de refuser la réforme par principe mais bien de mettre le principe de réforme au centre d’une réflexion positive et argumentée. Aujourd’hui, le nombre d’habitants, critère essentiel de la dotation globale de fonctionnement, pousse les communes à la course démographique.

Demain, elle doit venir soutenir les villes qui font face à des problématiques spécifiques, comme, ici, la dépollution des anciens sites industriels (3 millions d’euros en 20 ans de combat !), là où d’autres
villes peuvent rénover leurs rues. Elle doit également accompagner les choix vertueux de protection de l’environnement qui améliorent la vie de tous sur du très long terme mais empêchent de rentrer à court terme des recettes budgétaires. Donc, non à la baisse de la DGF mais oui à sa réforme.

Idem sur les moyens humains. Le gouvernement considère que les emplois aidés ne sont pas une réponse au chômage. Il préfère verser des allocations plutôt que d’aider les employeurs que nous sommes à trouver des solutions pour, d’un côté, répondre à une absolue nécessité de services publics, de l’autre, permettre à des jeunes ou à des chômeurs de retrouver du travail. Cette politique aberrante traduit le mépris du rôle que les collectivités locales jouent sur le terrain essentiel de l’emploi. Ne serait-il pas plus judicieux que l’Etat, qui dit vouloir s’engager dans une vaste réforme de la formation et de l’apprentissage, s’appuie sur les mairies pour le faire ? Par exemple en compensant les contrats de qualification ou de formation tutorée que la Ville propose, aussi bien que les contrats aidés. Il existe des centaines de métiers dans notre collectivité et beaucoup d’agents sont habitués à transmettre leurs savoir-faire.

Que l’Etat nous donne cette chance et réforme l’apprentissage et la formation en faisant des collectivités – la Région Occitanie en tête- des acteurs majeurs de ce chantier national. Oui, encore, à la réforme, mais courageuse et partenariale.

Réinventer le rapport services publics / citoyens

Les services publics, enfin. Nous n’avons de cesse, ici, de réinventer le rapport aux citoyens pour essayer de répondre au plus près à leurs besoins. Dernière innovation en date : l’ouverture de la maison de services au public/ MSAP en octobre prochain, qui fonctionnera aussi avec des opérateurs de services (eau, électricité, gaz…). On tend également des passerelles avec les entreprises de l’économie sociale et solidaire qui peuvent intervenir à la place et auprès de la collectivité comme, par exemple, l’association des Agents du littoral méditerranéen/ALM qui désherbe l’espace urbain en soutien ponctuel de nos équipes de nettoyage. Ce type de contractualisation devrait être soutenu par l’Etat, plutôt que de n’envisager pour seul horizon celui où les communes sans moyens financiers ni humains, privées de leur autonomie de gestion, seraient contraintes de se vendre au privé pour assurer un service public au rabais… à prix fort

Pierre Bouldoire
Maire de Frontignan la Peyrade
Vice-président de la CABT
1er vice-président du Conseil
départemental de l’Hérault