Anaïs-Armelle Guiraud, 26 ans. Photographe plasticienne, l’artiste frontignanaise propose un travail singulier et affirmé. Après avoir exposé au-delà des frontières nationales, deux expositions seront proposées à Frontignan, à la demande de la Ville.
Le sens de l’image
Loin du photo reportage témoin d’une réalité crue, le travail de création photographique d’Anaïs-Armelle Guiraud, longuement préparé, bien orchestré et finement ciselé, entraîne celui qui le regarde dans un univers onirique où les personnages créés et mis en scène questionnent le réel. L’esthétique prend le dessus, l’imaginaire interroge le propos. La forme est belle, le fond profond.
Originaire de Frontignan, Anaïs-Armelle Guiraud est très jeune attirée par les arts plastiques et plus particulièrement la photo. « Enfant, je jouais souvent avec l’appareil photo de mon père. Au lycée, je faisais plus de 10 heures d’art plastiques par semaine et je fréquentais les ateliers de l’école des Beaux-Arts de Sète. A 15 ans, j’ai cassé ma tirelire pour acheter mon premier reflex numérique et j’ai fait poser toutes mes copines. » BAC en poche, Anaïs-Armelle intègre, en 2009, l’école des Beaux-Arts de Montpellier et en ressort diplômée, en 2014, en ayant présenté uniquement des photographies.
L’année suivante, à l’occasion d’une résidence de tout jeunes artistes, les portes du château Sabatier d’Espeyran, dans le Gard, s’ouvrent à elle. « Je suis tombée amoureuse de ce lieu. J’avais carte blanche, ça c’est conclu par une exposition, une série de 6 images appelée Les confineries. C’était mon premier vrai travail d’artiste après l’école, un voyage de pièce en pièce qui dévoilait des personnages imaginés, emprisonnés dans les secrets et les murs du château. »
Après plusieurs expositions personnelles, à Montpellier, Agadir (Maroc), au Carré Van Gogh d’Arles… et des collaborations à des expositions collectives, notamment à Mende, Toulouse et dans différents musées montpelliérains, dont le Musée Fabre, le style et les valeurs de la jeune artiste s’affirment. « Ce n’est pas si facile de s’exprimer dans les écoles d’art quand on est une fille et qu’on veut parler de sujets de filles, de femmes. On est souvent rabrouée ou même évincée et beaucoup renoncent et s’éloignent de leur propos, encore aujourd’hui. Pas moi, j’ai des choses à montrer et des questions à poser ». Assurément, Anaïs-Armelle Guiraud assume ce qu’elle fait et elle fait bien ! Elle produit un travail d’orfèvre, pensé, culturellement nourri, une esthétique bien à elle, afin d’offrir des images originales qui interpellent. « Je réalise des mises en scène dans lesquelles j’assemble des éléments historiques, littéraires et artistiques, plein de petits détails qui créent les personnages, les univers. Tous ces détails, les vêtements, l’habillage, le maquillage, la coiffure, veulent dire quelque chose d’assez précis. Et en même temps ils sont assez ouverts, assez flous, pour que chacun interprète ce qu’il veut. Au final, ils racontent un peu, mais pas trop, juste assez pour qu’on puisse s’interroger et en parler. C’est de cette manière, en racontant des histoires, des histoires de femmes, que je produis un travail féministe qui me tient à cœur. »
Simone Tant, élue de la Ville déléguée aux festivals internationaux, qui travaille avec le réseau culturel européen et lusophone 7 Sois 7 Luas, a facilité, début 2018, l’exposition de son ancienne élève (en classe de CE2), « Le petit cabinet » à Pontedera, en Italie. Cette exposition, aboutissement de deux années de travail, fortement inspirée du conte de Barbe-Bleue et de ses multiples féminicides, est aussi née de la contrainte de vivre et de travailler dans un tout petit espace. Elle a été montrée pour la 1ère fois en France à la galerie du Bar à photo à Montpellier, avant de repartir pour un autre centrum du réseau 7 Sois 7 Luas, à Ponte de Sor, au Portugal, où elle est présentée depuis fin mai jusqu’à la fin du mois de juillet. Ce travail sera aussi exposé à Frontignan cette année.
Au-delà de son propre travail de production et de création photographique, la jeune femme consacre également une partie de son temps, au sein de l’association socioculturelle Essor savoirs et partage, à animer des ateliers d’expression artistique pour des enfants, adolescents et adultes du quartier populaire du petit Bard à Montpellier, auxquels elle propose aussi des visites d’expositions dans la région. « C’est très important pour moi de partager et de transmettre ma passion pour les arts à des publics qui n’ont pas forcément un accès aisé à la culture. Cette année, nous avons travaillé sur des matériaux inattendus dans l’art plastique comme le béton, le tissu, les tapis et la fourrure ou encore le sucre et le dentifrice. C’est passionnant. »
En parallèle, Anaïs-Armelle prépare aussi une nouvelle exposition, commandée par la Ville par la voix de Sabine Schürmann, maire-adjointe déléguée à la culture. « Cette exposition s’intitulera Du poil au cœur, et sera un travail sur les cheveux, le foulard, le voile. Encore une histoire de femmes, de liens, de corps, de place. Qu’y a-t-il sous le voile ? Pas de réponse tranchée, on peut en discuter… Pour ce prochain travail, j’envisage de nouvelles modalités d’accrochages, de l’image et de la matière, ainsi qu’une performance, mais je n’en dirais pas plus à cette heure ».